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Suicides
Sans le faire particulièrement exprès, j’ai lu coup sur coup deux romans grandioses sur le sujet. L’un par le russe Andreï Kourkov. L’autre par le finlandais Arto Paasilinna.
Le russe je l’ai découvert avec son « pingouin ». J’avais adoré son ton décalé et son humour pince-sans-rire. Je n’ai pas été déçu par « l’ami du défunt ». Un jeune homme au chômage, que sa femme est sur le point de quitter pour un autre. Des idées de suicide lui trotte dans la tête. Seul problème : il n’a pas « la fibre suicidaire ». Or voilà que la solution « à l’impasse de son existence » se profile sous la forme d’un tueur. Les tueurs, killers, étaient légions dans les pays de l’ex-URSS, mais s’occupaient principalement de personnages connus. La rencontre fortuite avec un ancien ami, qui connaissait forcément (tout le monde connait un tueur) un tueur précipite son projet. Il se paye un contrat sur sa propre personne. Oui mais... La première rencontre avec le tueur ne marche pas comme prévu, le mort en sursis bénéficie d’un excédent de vie non planifié. Et il y prend goût. Comment se débarrasser d’un tueur collé à ses basques ?
Un petit livre superbement écrit, une histoire insolite, on dévore le tout. La seule idée du suicide serait-elle rédemptrice ?
« Il est des gens dont l’absence est source de joie et même de félicité. Malheur à celui dont la femme entre dans cette catégorie. »
« Certaines personnes demeurent solitaires, même après leur mort. »
« Le froid rétrécit les objets, j’ai appris ça à l’école. Apparemment cette règle s’applique aussi à des phénomènes dépourvus de volume. L’hiver contracte les jours. Il rétrécit mon monde, me forçant à rester le plus souvent cloîtré entre quatre murs. La seule chose à se dilater au mépris des lois de la physique, c’est ma solitude. »
« Si j’avais fumé, une cigarette aurait été la bienvenue, mais Dieu m’avait préservé de ce vice. »
« Le monde est bâti sur des désirs dans l’un des plus importants est de se soumettre à quelqu’un. Je crois savoir d’où cela vient. Tout a commencé avec les femmes... »
« Un homme est vivant tant qu’il reste quelqu’un qui ignore sa mort. »
Puis il y a eu « Petits suicides entre amis » de Arto Paasilinna. On passe de la Russie à la Finlande. Cet auteur-là, je l’ai découvert avec « Le lièvre de Vatanen » et « La douce empoisonneuse ». Je poursuis donc la découverte de l’œuvre. Ça s’est fait avec cette nouvelle histoire de suicide. Deux suicidaires se retrouvent fortuitement dans une grange abandonnée dans la campagne finlandaise ; entravés dans leur projet funeste, ils se lient d’amitié, et décident d’en appeler à tous les suicidaires du pays, avec peut-être le souhait d’épargner quelques vies, l’union faisant la force. S’ensuit un colloque de suicidologie, puis un périple à travers les pays scandinaves, puis vers le sud, Allemagne, France, Suisse, Espagne, Portugal... Une épopée délirante d’une bande de suicidaires finlandais en quête du je-ne-sais-quoi, ce lieu mythique propre à s’envoyer dans l’au-delà. En attendant l’instant fatidique cette bande de joyeux lurons (paradoxalement) nous fait vivre des aventures palpitantes ! À lire sans modération !
Un Paasilinna identique à lui-même, bourré d’humour, et qui nous fait découvrir son pays avec des personnages toujours plus inattendus mais tellement attachants ! À force de lire cet auteur, je vais inévitablement avoir envie d’aller faire un tour dans son pays...
« Mieux valait ne pas agir à la légère en matière d’autodestruction, une affaire aussi vitale exigeait que l’on prenne son temps. »
« Pour être un chez-soi avoir une âme, un appartement doit être habité par une femme. Si elle s’en va, ou si elle meurt, l’endroit redevient un simple logement, une turne, une cambuse. »
« Il faut que certains meurent pour que d’autres vivent. »
« À quoi bon vivre quand on n’avait de toute façon pas les moyens de s’offrir toutes les merveilles que l’on tentait à chaque instant de vous faire acheter ? [...] Il était partisan d’interdire la publicité dans le monde entier, car elle était aussi coûteuse que la course aux armements, et bien plus dévastatrice. »
« [...] si le plus grave dans la vie c’était bien la mort, ce n’était quand même pas si grave. »
« Les temps changent. L’expérience enrichit. »
Guillaume Blanc
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