Les tribulations d’un (ex) astronome

Jogging campagnard ou comment supprimer les pesticides dans l’agriculture intensive

dimanche 14 septembre 2014 par Guillaume Blanc

Hier, en fin d’après midi je pars courir. Et je décide en cours de route de ne pas faire le tour devenu traditionnel de la petite forêt qui borde l’est du campus de Polytechnique. Je la traverse pour rejoindre le tour que je faisais avant sur le plateau de Saclay. Avant parce que depuis plusieurs mois une fraction de ce tour est mise à mal par les titanesques travaux qui visent à construire le silicon plateau à la française. Mais l’envie d’aller y jeter un œil de plus près me titillait. Je ne fus pas déçu.

La sortie du bois était déjà intéressante, il m’a fallu enjamber un champ de merdes humaines déposées là sur le chemin, décorés de leurs petits papiers blancs qui virevoltent dans la brise. Pour tomber quelques mètres plus loin sur quelques caravanes de gens du voyages. Je suis passé subrepticement sur leurs terrasses, ne pouvant faire autrement, avant d’enjamber un fossé rempli d’immondices. J’étais dans le bain.

La suite fut pendant un temps un tantinet bucolique, j’ai croisé une paire de jeunes ados qui profitaient du beau temps pour humer l’odeur de l’herbe quasi-automnale assis sur un banc au bord du chemin, tout en aspirant je-ne-sais-quoi au narguilé (après tout, chacun ses passions). Je m’attendais à retrouver le sympathique chemin d’antan qui borde le canal historique parcourant le plateau de Saclay. Au lieu de ça, le chemin n’est plus de ce qu’il a été, un remblai en matériaux dégueulasses fait office de. Des pelleteuses sont là de part et d’autre, figées par la fin de semaine, mettant ainsi une vision terminatorienne à la scène. L’aube des machines. Les bornes kilométriques royales, lys gravé dans le grès, sont pourtant toujours là, barricadées de rubalise bariolée. Précieuses les bornes portées par l’Histoire (et c’est tant mieux). Plus que les champs cultivés alentours, en tout cas.

Je poursuis mon triste parcours par le retour au milieu des champs éventrés, Polytechnique qui construit je ne sais quoi, EDF qui colonise les terres arables... Ça je le savais. Obligé de courir sur le bitume, sur la route, mon chemin de prédilection étant derrière les barrières. Chantier interdit au public. Le progrès.

Là, des hectares de terres agricoles parmi les meilleures d’Île-de-France sont en train de disparaître coulées sous le béton. Les champs de maïs et de colza sont en train de faire place à des routes, des bâtiments, des trottoirs. L’agriculture rapporte bien moins que le béton, c’est un fait, même si c’est bien dommage. Je ne sais pas si on va finir par devoir bouffer du béton, mais à force, et compte tenu de la tendance (chaque seconde 26 mètres carrés de terres agricoles disparaissent en France), il faudrait commencer à habituer notre système digestif à la transition, parce qu’elle va être rude. Nos estomacs vont probablement faire des nœuds quelques temps (surtout s’il est armé, le béton...).

Il doit pourtant bien rester quelques hectares de friches industrielles qui pourraient servir à ça, non ? J’ai l’impression d’en voir tellement quand le RER serpente entre Paris et sa banlieue. Mais il semblerait que les-dites friches soient en cours de reconversion, tout au moins en Île-de-France. La preuve, mon université, Paris Diderot, est bâtie sur l’une d’entre elles. Et c’est tant mieux.

Mais tout de même, bouffer du béton...


13 novembre 2014. Un article de Reporterre qui va dans ce sens : Les deux mécanismes qui provoquent le gaspillage des terres agricoles.


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