Arpenter la montagne hivernale est risqué. C’est beau de voir ce manteau immaculé ou presque recouvrir le paysage, c’est plaisant d’utiliser les propriétés de friction extrêmement faible de ce matériau pour se procurer des sensations de plaisir divers et variés. C’est beau et c’est plaisant, mais c’est aussi sournois. Le spectre de l’avalanche guette…
La quasi-totalité des avalanches piégeant les randonneurs et autres skieurs, raquettistes, alpinistes, glaciéristes, surfeurs, etc, qui se baladent sur le blanc manteau ont été déclenchées par ceux-là même qui se retrouvent coincés dedans.
Alors, peut-on déjouer le piège fatal ou bien n’a-t-on pour outil que le DVA (Détecteur de Victime d’Avalanche, un émetteur récepteur d’ondes électromagnétiques), la pelle et la sonde (voire le sac airbag) — et éventuellement nos yeux pour pleurer —, pour limiter les dégâts ?
La plupart des institutions en France, des formations sur la neige et les avalanches, mettent l’accent sur le fait que c’est compliqué la science de la neige [1], que ce n’est pas à la portée du premier randonneur venu ! Néanmoins le problème n’est pas évacué, au contraire, on l’enrobe à foison dans des concepts compliqués de météo, de nivologie, de physique, etc, qui rendent savant le formateur aux yeux du profane sans pour autant qu’il — le profane — en retire quelque chose d’une quelconque utilité pratique lors de sa prochaine course ou balade en montagne. Le pendant de cette approche qui veut que c’est compliqué et que donc on ne peut pas toujours éviter l’avalanche fatale que l’on déclenche soi-même est de mettre le paquet sur ce que l’on peut maîtriser, c’est-à-dire éviter l’asphyxie de celui ou celle ou ceux qui sont enfouies en s’équipant de DVA, de pelles, de sondes, et surtout en s’entraînant, s’entraînant, s’entraînant pour savoir utiliser ce matériel de manière automatique en situation de stress extrême, et ce manière très rapide, car alors, chaque seconde compte en matière de survie sous une avalanche.
Très bien. Il faut maîtriser cela de toute façon.
Mais on peut également prendre le problème dans l’autre sens : à savoir mettre tout en œuvre pour éviter d’avoir à utiliser un DVA, c’est-à-dire éviter de déclencher une avalanche (ce qui n’exclut pas de s’entraîner, s’entraîner, s’entraîner à la manipulation du DVA, pelle, sonde). Pour cela, on doit éviter de discourir sur les gobelets et les couches fragiles pour aller directement à l’essentiel. Car non, l’avalanche n’est pas une fatalité [2]. À la lumière des connaissances actuelles sur la science — certes complexe — des avalanches, on peut mettre en œuvre des méthodes relativement simples (tout comme il n’est pas nécessaire de maîtriser la relativité générale pour se servir d’un GPS ou la mécanique quantique pour utiliser un téléphone portable !) pour réduire — certes pas annuler [3] — le risque que l’on prend en skiant une pente.
Prendre le problème dans ce sens a le mérite de renverser la chaîne de causalité : de passif subissant l’aléa, le skieur devient acteur de son destin. Il existe de nombreux outils [4] de gestion du risque, mais leur utilisation et préconisation relève plus du caractère religieux que rationnel, c’est comme pour l’homéopathie : « pour moi, ça marche, il suffit d’y croire ! » Alors, devant ce type d’argument le reste du monde peut bien s’effondrer… Seulement, malgré les croyances diverses et variées, actuellement, il n’y a pas trente-six méthodes, il n’y en a qu’une qui permet de prendre une décision : « j’y vais (dans la pente) ou je n’y vais pas » de manière la plus objective possible. Voir ici et là. Elle n’est certes pas parfaite, mais c’est la plus rationnelle, la plus objective, la plus facile à mettre en œuvre. Et c’est surtout la seule méthode qui a démontré que l’on peut éviter des morts par avalanche en randonnée dans la montagne hivernale. Il s’agit donc de la méthode de réduction graphique ou élémentaire proposée par le guide suisse Werner Munter. Cette méthode est adossée à la méthode 3x3 qui permet déjà de préparer sa course, de prendre des décisions quand besoin est ; elle est également affinable par la méthode de réduction dite professionnelle qui permet de tenir compte de quelques paramètres en plus comme l’orientation de la pente et la taille du groupe et de mettre un seuil quantifié à sa prise de risque.
Et contrairement à ce que l’on peut voir ou entendre dans les médias ces derniers temps et dans de (trop) nombreuses formations, ce n’est pas très compliqué : pas besoin de savoir ce qu’est un gobelet (non, ce n’est pas l’ustensile qui sert à boire un coup au retour dans la vallée), un gradient de température (un gra… quoi ?) ou une couche fragile (non, ce n’est pas un truc pour les skieurs vieillissants et/ou grabataires). Il suffit de savoir lire une carte, de savoir mesurer l’inclinaison d’une pente sur le terrain (et sur la carte, ce qui est grandement facilité par l’indication des pentes de plus 30° sur le Géoportail depuis fin 2016) et de savoir lire un bulletin d’estimation du danger d’avalanche (BEDA — l’appellation BERA, bulletin d’estimation du risque d’avalanche est mal choisie, car qui dit risque dit exposition à un danger, or le danger d’avalanche mentionné dans le bulletin existe qu’il y ait des skieurs dans les pentes mentionnées ou pas), encore que seul le degré de danger chiffré (1 — faible, 2 — limité, 3 — marqué ou 4 — fort) est utile. Il faut aussi savoir que les avalanches se déclenchent à distance, donc que l’on n’est pas à l’abri sur du plat si des pentes raides nous dominent. Par raide, il faut entendre dont l’inclinaison est supérieure à 30°.
Avec cette petite boîte à outils, il suffit de considérer que par degré de danger 2 on évite les pentes à plus de 40°, que par degré de danger 3 on évite toutes les pentes à plus de 35° y compris au-dessus et par danger 4, toutes les pentes à plus de 30° y compris au-dessus. Ça laisse quand même pas mal de possibilité !
Simple, non ?
On peut également prendre une marge de sécurité supplémentaire en se limitant aux pentes de moins de 30° à partir du degré de danger 3 (en restant à la maison à partir du degré 4), ce que les auteurs du livre « Avalanches, comment réduire le risque » nomment la Méthode de Réduction pour Débutants (MRD).
Il faut maintenant tordre le cou à une idée reçue particulièrement tenace qui est que pour faire une belle descente il faut nécessairement que la pente soit inclinée de plus de 30° : on peut faire du très bon ski [5] dans une pente à 25° ! Et donc on peut skier par degré de danger 4. Dans des pentes (y compris loin au-dessus) à moins de 30°.
Ça se complexifie un peu quand on ne dispose pas d’un bulletin d’estimation du degré de danger d’avalanche tout prêt (massif non couvert par Météo France — comme le Massif Central — ou ses analogues à l’étranger, ou période non couverte — typiquement en tout début de saison et en toute fin de saison, quand les stations de ski qui constituent le réseau d’observation ne sont pas en activité). Il faut alors estimer le degré de danger là où l’on se trouve en observant le manteau neigeux autour. On remplit alors une grille d’analyse qui donne cette estimation selon différents critères.
Si l’application de la méthode ci-dessus, dite Méthode de Réduction Élémentaire (MRE), est à la portée de tout un chacun, en revanche l’estimation du degré de danger à l’aide de la grille demande un peu d’expérience et d’entraînement, mais se fait à partir d’observables sur le terrain.
En appliquant cette règle simple, on évite la quasi-totalité des accidents mortels de ces dernières années. Il s’agit ici du minimum à savoir et à maîtriser, on peut ensuite rentrer plus dans les détails, et pour cela je vous conseille la lecture du livre « Avalanches, comment réduire le risque. »
euh ! il y a truc qui va pas dans le message, à te lire on pourrait comprendre que par risque 3 il suffit d’éviter les pentes à 35°. Pour moi le bon message, c’est que par risque 3, les pentes entre 30 et 35° demandent une vigilance accrue voire une certaine expertise, et meme par risque 3+ elles sont carrements à proscrire Bref j’aime pas du tout l’illustration de la MRE.
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