Les tribulations d’un (ex) astronome

Soumission

jeudi 26 février 2015 par Guillaume Blanc

C’est étonnant, parce qu’habituellement, je ne suis pas dans le buzz médiatique littéraire : lire les bouquins à leur sortie dans les bacs n’a jamais été ma tasse de thé. Et là, j’ai craqué pour le dernier Houellebecq, « Soumission. » J’avais envie de le lire pendant qu’il était tout chaud, à peine sorti du four. Et j’ai plutôt bien aimé, même si je l’ai trouvé littérairement moins bon que le précédent, « La carte et le territoire. »

Politique fiction ou fiction politique : nous sommes en 2022, tout au moins au début de l’histoire. Un peu avant les élections présidentielles. Le narrateur est un universitaire, professeur en lettres modernes, spécialiste universellement reconnu de l’écrivain Joris-Karl Huysmans qui donne l’occasion de grandes digressions, que j’eu du mal à suivre, ne connaissant pas l’œuvre ni la vie de cet homme-là. Comme toujours dans l’œuvre de Houellebecq, le type qui raconte son histoire est largement désabusé, pessimiste à souhait, et amateur de sexe, ses « copines » étant ici puisées dans le vivier inépuisable de ses étudiantes.

Outre Huysmans et le sexe, l’autre thématique développée dans le roman est la politique. Quand après un deuxième mandant du PS entre 2017 et 2022, avec François Hollande, le Front National prend de l’ampleur (jusque là, on n’est pas vraiment dans la fiction !), mais la droite (UMP) se retrouve reléguée dans le fond de la classe. Après le premier tour des élections de 2022, le FN est largement en tête, puis arrivent au second plan le PS et un nouveau parti, la Fraternité Musulmane, au coude à coude. Finalement, c’est le parti musulman qui arrive en second. Le PS et la droite s’allient avec lui pour barrer la route du FN. C’est donc la fin d’une France laïque...

Le narrateur s’est carapaté entre les deux tours, juste avant le deuxième. Ça commençait à « chauffer » dans la capitale, la peur d’une guerre civile le pousse dans la cambrousse du sud-ouest.

Au bout d’un certain temps, il revient dans la capitale. L’université a changé, devenue musulmane, seuls les convertis à l’islam ont le droit d’y enseigner. Notre homme est donc mis à la retraite. Tandis que ses confrères moins regardants restent avec un salaire triple : l’enseignement supérieur est désormais financé par les pays arabes, l’argent coule à flot. La polygamie est de mise, en fonction de son statut un prof peut avoir plusieurs femmes. De fait, le parti au pouvoir résout le problème du chômage puisque les femmes doivent cesser leur émancipation et retourner élever leur progéniture.

Finalement, devant les avantages promis (salaire, polygamie — d’autant que depuis sa « retraite » il n’est plus en contact avec son vivier d’étudiantes —...) notre universitaire pourrait changer d’avis et faire un trait sur son athéisme...

J’ai trouvé ce bouquin très agréable à lire, même si d’un style moins profond que le précédent, le sujet est fort intéressant, même s’il alimente des kilomètres de polémiques. Je ne suis pas assez connaisseur de l’islam pour dire si une société française sous l’égide d’un parti musulman est décrite de manière réaliste ou pas. Toujours est-il que ça ne fait pas très envie, même si on se dit aussi en filigrane que la chose n’est pas complètement impossible. Quand on voit l’état de déliquescence de la politique en France, tout semble possible. Y compris le pire. Rétropédalage en règle sur les acquis sociaux, sur la liberté, ça s’est vu dans d’autres pays... Et moi, que ferais-je dans une telle situation ? J’irais me terrer dans mes montagnes avec ma retraite d’universitaire, mon athéisme et ma pseudo-liberté, ou bien je retournerais ma veste ?

En attendant, contrairement au personnage de Houellebecq, je reste optimiste, me disant que parmi le champ des possibles, le meilleur reste une option tout à fait viable !


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