Les tribulations d’un (ex) astronome

Tétralogie Marie Madeleine Marguerite de Montalte (M.M.M.M.)

samedi 26 juillet 2014 par Guillaume Blanc

De Jean-Philippe Toussaint. Le quatrième (et dernier) opus était parmi la sélection pour le Livre Inter. J’ai donc commencé par celui-là. Dommage, quelque part, car je crois qu’il vaut mieux lire dans l’ordre : «  Faire l’amour, » « Fuir, » « La vérité sur Marie » et « Nue. »

Déjà, dans « Nue » une succession d’épisodes en apparence décousus, des circonvolutions, des descriptions langoureuses sans fin... Néanmoins, l’envie d’en savoir plus sur cette Marie, sur le narrateur, sur leur relation qui part à vau-l’eau m’a fait lire les trois premiers tomes de la série.

C’est donc par le commencent que j’ai poursuivi ma lecture. « Faire l’amour. » Probablement celui que j’ai préféré. On est au Japon, c’est l’hiver, c’est là que tout part en vrille. Une longue scène incroyable où les deux protagonistes se retrouvent en pleine nuit dans la rue, en petite tenue, tandis que la neige virevolte autour d’eux, séparés, déjà, mais ensemble, le narrateur courant après sa Marie impalpable. Un tremblement de terre fortuit les rassemblera dans une dernière étreinte, là.

« Le jour se levait, et je songeais que c’en était fini de notre amour, c’était comme si je regardais notre amour se défaire devant moi, se dissiper avec la nuit, au rythme quasiment immobile du temps qui passe quand on en prend la mesure. »

« Le jour se levait sur Tokyo, et je lui enfonçais un doigt dans le trou du cul. »

Ensuite, j’ai lu « Fuir. » Six mois plus tôt, c’est l’été, le narrateur bourlingue sans but affiché en Chine, flirte avec une chinoise, se fait trimbaler et manipuler par des chinois sans que lui-même y comprenne quelque chose (quant au lecteur, il fait ce qu’il peut). C’est lent. C’est long. J’ai dû lutter pour arriver au bout. Je n’ai pas vraiment vu l’intérêt de la chose, si ce n’est, peut-être les premières fissures de la rupture ? La fin est plus intéressante, on revient dans le giron de Marie, elle vient de perdre son père qui habitait sur l’île d’Elbe, le narrateur va la rejoindre.

« J’avais toujours eu des relations difficiles avec le téléphone, une combinaison de répulsion, de trac, de peur immémoriale, une phobie irrépressible que je ne cherchais même plus à combattre et avec laquelle j’avais fini par composer, donc je m’étais accommodé en me servant du téléphone le moins possible. »

« Le temps paraissait arrêté, semblait ne pas couler, mais se figer sur place, immobile, dans les émanations presque visible de la chaleur. »

J’ai terminé la série par « La vérité sur Marie » que je viens de terminer. J’ai également bien aimé, d’autant que certaines énigmes, qui apparaissaient comme telles dans « Nue » trouvent là leur explication. Deux moments d’intensité ponctuent le récit, la mort de Jean-Christophe de G., à moitié imaginée (fantasmée ?) par le narrateur, à moitié vécue, puisque Marie l’appelle au milieu de la nuit juste après avoir appeler les secours. Et le départ du Japon de Marie, quelques mois plus tôt, avec Jean-Christophe de G. qui ramène un cheval de course récalcitrant, avec une scène grandguignolesque sur le tarmac de l’aéroport, où le cheval s’est enfuit, dans la nuit, sous la pluie. Scène imaginée par le narrateur, puisqu’il n’était pas présent. On termine à l’île d’Elbe, avec un incendie qui lèche la maison de famille de Marie, tue son cheval. Mais ça se termine bien.

Au final, on ressort de cette série romanesque avec le sentiment que le narrateur a toujours un coup de retard sur Marie, que Marie est une belle femme convoitée qui fréquente le beau monde, mais qu’elle est toujours décalée par rapport à la réalité, insaisissable, lunatique. On lui pardonne. La gent masculine (le narrateur en l’occurrence) lui pardonne ses élucubrations. Le narrateur se fait jeter, il ne fait rien, ou pas grand-chose pour reconquérir la belle, si ce n’est être là quand elle a besoin de lui. Disponible.

La mort est très palpable à divers moments, d’abord le père de Marie, puis son amant, Jean-Christophe de G., quasiment dans ses bras, une nuit à Paris, puis l’homme de confiance de son père, encore sur l’île d’Elbe. Son cheval, aussi, amoché (mort ?) dans un incendie toujours sur l’île d’Elbe. On est témoins d’évènements improbables, incendie, tremblement de terre, mort de l’amant, robe de miel, etc. Entre-coupés de longs moments de narration. Il y a des scènes de sexe, aussi, rares, mais crues.

En y repensant pour écrire ces lignes, je trouve que c’est un bel ensemble romanesque, c’est superbement bien écrit, la preuve le lecteur survit parfaitement aux longues descriptions, aux pages et aux pages où rien ne se passe, si ce n’est que les mots s’entassent joliment sur les mots. C’est beau. Mais il faut, je crois, encore une fois, le lire impérativement dans l’ordre pour en saisir toute la puissance.


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