Science, climat et liberté d’expression
À l’approche de la COP 21, les médias (France 5, Libération, Rue89, Pour la Science...) fourmillent d’articles sur le climato-scepticisme, ce courant négationniste du réchauffement climatique, ou de son côté anthropique. Le monsieur Météo de France 2, auteur d’un bouquin négationniste a été mis à pied par sa rédaction. On se demande s’il faut donner la parole à ces personnes ? Dès qu’un article fustige les climato-sceptiques, les forums frisent l’insurrection : mais diable, et la liberté d’expression alors ?
Oui mais, n’en déplaisent à ces amateurs de débats passionnés entre pour et contre, la science — et la climatologie est une science — ne se construit pas en débattant dans la sphère publique. Elle se construit éventuellement avec des débats entre experts — c’est-à-dire spécialistes du domaine en question — mais pas avec monsieur Untel qui croit tout savoir parce qu’il a vu un documentaire à la télé ou madame Unetelle qui pense que ça doit se passer comme ça parce que tel livre dit que. Non. La science n’est pas démocratique de ce point de vue. Elle est, tout simplement. En tant que somme de connaissances sur la Nature (au sens large), on ne peut simplement décider par référendum que non, finalement les pommes qui tombent à cause de la gravité, c’est pas cool [1], on va en changer. La gravité est. Donc les pommes tombent. Point barre.
Il en est de même pour les sciences du climat. Les climatologues ont montré depuis longtemps que la planète se réchauffe, et qu’elle se réchauffe à cause de notre pollution. Il n’y a pas à tergiverser, c’est comme ça. C’est la connaissance scientifique. Ce n’est pas en faisant un sondage sur la réalité du réchauffement climatique, que celui-ci existera ou pas. Il existe. Tout comme la gravité existe, que l’on y croit ou pas.
Donc vouloir à tout prix un débat public sur ces choses est vain. Le débat a lieu dans la sphère scientifique, pour discuter de choses pointues, de telle ou telle avancée, mais il ne peut avoir lieu dans les médias. Comme dans tous les domaines scientifiques, certaines choses sont acquises, comme la gravité newtonienne qui fait tomber les pommes, même la gravité relativiste qui permet aux GPS de fonctionner assez précisément, et puis il reste des choses qui sont actuellement discutées par les scientifiques experts, comme par exemple la théorie quantique de la gravitation. Il ne viendrait pas à l’esprit de tout un chacun de venir mettre son grain de sel dans le débat entre théoriciens sur la gravité quantique (cela nécessite un certain bagage pour accéder au niveau du débat en question). Il en est de même pour le climat : certaines choses sont acquises : l’effet de serre, le fait que le CO2 absorbe le rayonnement infrarouge, le fait que la planète se réchauffe, le fait que ce soit dû aux gaz à effet de serre que l’on injecte dans l’atmosphère depuis un siècle et demi. Après, évidemment, il y a des discussions sur des points plus précis (simulations, observations, etc), mais uniquement au sein de la communauté. La climatologie fait appel à des concepts de physique, de chimie, de géophysique, de météorologie, etc, c’est une science qui n’est pas forcément théoriquement compliquée comme la gravité quantique, en revanche elle est extrêmement complexe au regard des systèmes qu’elle étudie (interactions entre l’atmosphère, les océans, la cryosphère, les continents, la biosphères, qui sont chacun pris séparément déjà des systèmes extrêmement complexes). Ce qui implique que l’on ne puisse pas s’improviser climatologue du jour au lendemain, tout comme on ne s’improvise pas spécialiste de gravité quantique. Le citoyen lambda ne peut donc honnêtement pas prendre part au débat sur les sciences du climat.
Et je mets dans la case « citoyen lambda » tout ceux qui ne sont pas experts du domaine, ce qui englobe également les scientifiques dont la climatologie n’est pas le champ d’expertise : ce n’est pas parce que je suis astrophysicien que je suis à la pointe des connaissances de la climatologie, même si je me permets de faire un cours de Licence sur les aspects physiques du sujet. Donc aussi reconnus et prestigieux soient-ils — Prix Nobels, Ministres et compagnie —, ils n’ont souvent pas leur place dans l’arène du débat climatique scientifique. Sauf s’ils ont fait l’effort de s’approprier le domaine, de publier des articles scientifiques (avec revue par les pairs, etc), auquel cas, ils sont devenus des spécialistes [2]. Mais un (ou plusieurs) livre grand public ou un site web ne peut être un raccourcis crédible.
Donc cette tentative de muselage médiatique des négationnistes est plutôt saine, et ne remet pas en cause la liberté d’expression. Parce que les négationnistes en question ne sont pas des experts en climatologie. Les plateaux télé qui se régalent de débats entre experts et détracteurs sont ainsi malhonnêtes, car c’est mettre face à face, bien souvent, la réalité scientifique avec la verve [3] du contradicteur de l’autre côté. Le débat est donc biaisé et se réduit à un vulgaire « show » sans être présenté comme tel.
Pour quoi le réchauffement climatique fait-il tant parler de lui (tant de paroles, virtuelles ou pas, pour si peu d’actes...) ? Contrairement à la gravité quantique qui n’a (encore) que peu d’influence sur notre vie quotidienne, la science du réchauffement climatique en a quelque peu ! De fait, tout un chacun pense pouvoir (devoir ?) y ajouter son grain de sel. Oui, mais non. Malheureusement peut-être... Mais l’élévation de température à la surface de la Terre depuis le XIXe siècle ne souffre d’aucun débat : c’est une observation, c’est comme ça. Nier cela c’est comme nier la rotondité de la Terre !
En revanche ce qui peut être l’objet de débats, ce sont les mesures que la société humaine peut prendre pour tenter de limiter les dégâts du réchauffement : économies d’énergie, taxe carbone, etc. Et les négateurs n’ont de cesse de retarder ce débat, pour des raisons idéologiques (scepticisme poussé jusqu’à l’absurde ou mouvement libertarien [4]) ou plus souvent et plus puissamment pour des raisons économiques (agir contre la réalité du réchauffement climatique nécessite d’agir contre les énergies fossiles et la formidable économie qui se trouve derrière) comme le montre le documentaire de Laure Noualhat « Climatosceptiques, la guerre du climat » en instillant le doute dans les esprits sur une réalité scientifique.
[1] C’est vrai, après tout, une fois par terre, il faut se baisser pour les ramasser... Et puis là, elles pourrissent aussi plus vite... Donc si on pouvait dire à M. Newton d’arrêter ses bêtises, hein !
[2] Comme par exemple, Richard Muller, physicien au LBL et professeur à l’université de Berkeley.
[3] Souvent ces gens sont d’une éloquence et d’un charisme plus forts que les experts, comme Claude Allègre sur le climat ou les Bogdanov pour tout ce qui touche à l’astrophysique.
[4] J’avais d’abord, naïvement mis « libertaire, » mais comme on me l’a fait remarquer en commentaire, j’avais confondu avec le libertarianisme !
Guillaume Blanc
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Science, climat et liberté d’expression12 novembre 2015, par Braz
« Les climatologues ont montré depuis longtemps que la planète se réchauffe, et qu’elle se réchauffe à cause de notre pollution. Il n’y a pas à tergiverser, c’est comme ça. C’est la connaissance scientifique. »
Le problème, c’est que c’est faux. Votre prémisse est inepte.
C’est le type même de l’argumentaire des régimes politiques autoritaires. Vous êtes persuadé de savoir ce qui est bon pour le peuple, dès lors tout argument contraire doit être muselé.
De plus, vous vous permettez d’exprimer publiquement vos convictions sur un sujet dont vous n’êtes pas spécialiste. Amusante contradiction.
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Science, climat et liberté d’expression12 novembre 2015, par Guillaume Blanc
Bon, je me disais aussi... Fallait qu’il y en ait un qui débarque ici :) Que dire... La science n’est pas de la politique, elle n’est démocratique ni totalitaire, c’est de la connaissance construite peu à peu. Elle n’a pas à être bonne ou mauvaise pour le peuple, elle est, point. Que cela vous plaise ou pas c’est ainsi. Même l’église dogmatique a dû se plier devant la science : et oui, la Terre tourne autour du Soleil, elle n’est pas le centre du monde, qu’on le veuille ou pas. Le réchauffement climatique existe bel et bien, il suffit de voir la fonte des glaciers chaque année pour s’en persuader ou bien de regarder les données de température de la troposphère disponibles un peu partout sur le net (ou alors aller voir directement les courbes présentant l’évolution de ces températures dans les publications des scientifiques ou dans le rapport du GIEC). Et ce réchauffement est bel et bien le fait des rejets anthropiques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, comme le montre, là encore, les données disponibles sur la toiles ou les diverses publications scientifiques (résumées dans le rapport du GIEC). J’exprime non pas des convictions mais des faits, même si je ne suis pas climatologue. Après tout, je n’ai jamais été dans l’espace ni fait le tour du globe, pourtant je peux me permettre de dire que la Terre est ronde ! Je vous invite à récupérer les données que je mets en lien dans un autre article pour vous convaincre vous-même, puisque visiblement ce n’est pas encore le cas.
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Science, climat et liberté d’expression30 octobre 2015, par moriel
Bonjour, je suis d’accord avec votre article, mais je ne comprend pas très bien votre allusion au « mouvement libertaire », que vous semblez ranger dans le groupe des « négationnistes climatiques ». De quel « mouvement libertaire » s’agit-il ? Il existe au sein des différents courants de l’anarchie organisée en France (groupes, syndicats, organisations militantes,...) des débats parfois contradictoires mais globalement en faveur de la position des scientifiques quant au réchauffement climatique, il suffit pour vous en rendre compte de parcourir les sites et journaux qui exposent ces idées.Si il existe une divergence de vue avec les autres mouvements politiques et sociaux, elle porte sur les moyens envisagés pour répondre à cette situation.
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Science, climat et liberté d’expression31 octobre 2015, par Guillaume Blanc
Merci pour votre commentaire. J’ai découvert l’existence de ce mouvement en regardant le documentaire de Laure Noualhat sur les climato-sceptiques américains. Ces derniers brandissent l’argument de leur liberté, ils ne souhaitent pas que leur gouvernement fédéral viennent mettre le nez dans leurs affaires (en l’occurrence le lucratif pétrole), ils sont donc contre tout interventionnisme de l’état dans la société, et dénoncent les mesures nécessaires (enfin pas d’après eux !) pour lutter contre le réchauffement climatique comme une entrave à leurs libertés. Donc pour préciser mon propos, c’est surtout le mouvement libertaire aux États-Unis dont je parlais.
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Science, climat et liberté d’expression2 novembre 2015, par moriel
Bonjour, en fait il s’agit du mouvement libertarien, dont les théoriciens les plus connus sont Ayn Rand et Ron Paul (parmi beaucoup d’autres) et dont la philosophie consiste principalement en la promotion de la liberté individuelle (dont celle de faire des affaires) et la réduction de l’état à son rôle régalien (en gros armée et police). Les règlements étant par nature contraignants, ils sont donc rejetés en tant qu’ils limitent la liberté des individus. Ce mouvement, principalement américain, mais qui a des représentants en Europe, n’a rien à voir avec l’anarchie et le mouvement libertaire. La confusion est hélas fréquente, je ne vous en fait pas grief. Selon Elisée Reclus, géographe et anarchiste « l’anarchie est la plus haute expression de l’ordre ». Amicalement.
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Science, climat et liberté d’expression2 novembre 2015, par Guillaume Blanc
Oups, OK très bien, je vais corriger. Je vous remercie pour vos précisions sur ce sujet. Je ne pensais pas que « liberté » pouvait se décliner en autant de « philosophies » : libertaire, libertarianisme, libéralisme, libertin (sic !)... Ceci étant, si je cite wikipédia : « Le mot « libertarien » est l’adaptation en français de l’anglais « libertarian », lui-même traduction anglaise du français « libertaire » » : ça se mord un peu la queue !
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Science, climat et liberté d’expression27 octobre 2015, par Benoît
Bonjour, je suis scientifique, je possède le blog http://passion-entomologie.fr Je t’écris car la question du changement climatique m’intéresse fortement. Sans remettre en cause ce constat, on lie obligatoirement le réchauffement climatique à l’activité humaine, on doit avoir notre part, c’est certain, mais on oublie de préciser et de rappeler que le climat connait des cycles de refroidissement et de réchauffement réguliers, et ce, sans l’intervention humaine. Le niveau des mers était 100m plus bas durant la dernière glaciation par exemple.
On devrait dire que l’humanité contribue à accentuer un phénomène naturel de réchauffement, au final.
Je trouve que l’on s’attarde trop au réchauffement et pas assez à la dégradation de l’environnement, disparition des milieux et leur biodiversité, pollution... des problèmes tout autant préoccupants. J’ai conscience que soulever la problématique du dérèglement climatique permet d’impliquer les populations dans l’évolution des sociétés humaines.
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Science, climat et liberté d’expression29 octobre 2015, par Guillaume Blanc
Le réchauffement actuel est indéniablement d’origine humaine. Et non, personne n’oublie de préciser que le climat a fortement varié naturellement dans le passé, mais toutes les observations et modélisations actuelles montrent que les variations de l’insolation ne peuvent pas expliquer le réchauffement. Quant aux autres pressions anthropiques sur l’environnement, je suis d’accord avec vous qu’il est urgent de faire aussi quelque chose, en particulier sur la crise de la biodiversité. Mais je ne connais pas suffisamment bien le sujet pour en dire quoi que ce soit.
Le seul truc que je peux dire est que la machine climatique a une très grande inertie (même si nous stoppons nos émissions maintenant, la température continuera de grimper pendant quelques décennies), et que si nous ne faisons rien maintenant pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre, dans quelques décennies, la planète risque d’être difficilement vivable (pour les humains en particulier) dans beaucoup de régions. Donc oui, il est plus qu’urgent d’agir.
Pour plus d’info sur ce sujet du réchauffement climatique je vous suggère la lecture du livre de Jean Jouzel et Anne Debroise « Le défi climatique » qui se lit très bien, et qui émane d’un véritable spécialiste.
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Science, climat et liberté d’expression24 octobre 2015, par valentin
Bonjour, Il faudra qu’on m’explique comment un gaz (le CO2) ; qui est plus d’une fois et demie plus lourd que l’air, et émit au niveau du sol, peut se retrouver dans la haute atmosphère. ça serait pas plutôt les avions qui eux brassent le CO2 et l’air à 9000trs/mn ; me rappelant l’expérience de l’eau déposée au fond d’un verre d’huile, et qui y reste, alors que brassée, elle forme une émulsion (stable malgré la différence de densité). Hein ?
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Science, climat et liberté d’expression25 octobre 2015, par Guillaume Blanc
La question est hors-sujet, mais bon, voici : la basse couche de l’atmosphère (troposphère) fait l’objet d’un brassage naturel permanent (vent, convection) qui assure le mélange des différentes molécules qui constituent l’air. La stratification de ces molécules selon leur masse est en moyenne très faible selon l’altitude et négligeable en présence du brassage naturel sur l’ensemble de la surface de la Terre. D’où la présence de CO2 en altitude.
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