Les tribulations d’un (ex) astronome

Résonance

dimanche 26 novembre 2023 par Guillaume Blanc

Il arrive, parfois, que…

Comme chaque samedi, ou presque, je vais courir dans la vallée de la Mérantaise pendant que ma fille pouponne ses poneys au centre équestre. Malgré quelques voitures qui poussent l’accélérateur sur le ruban de bitume parallèle à la rivière donnant, malgré tout, un air d’anthropocène à la scène, le coin est plutôt enfoui sous le couvert forestier. Avec quelques vastes prairies où paissent tranquillement une poignée d’équidés. Les flancs de la vallée sont relativement abrupts pour qu’à l’issue de quelques montées et descentes, le dénivelé cumulé ne soit pas négligeable tout en restant modeste. La forêt y est belle, quelle que soit la saison, le temps. Même sous la pluie, elle a son charme. Même au cœur de l’hiver.

Je pars. Je traverse la route, puis la rivière. On y ressent le froid humide hivernal, le soleil a déjà quitté le lieu. Les arbres sont décharnés par l’automne, les chemins recouverts d’une épaisse couche de feuilles. Il va falloir courir avec souplesse pour amortir d’éventuels reliefs dissimulés. Première côte. Je patauge délicieusement dans les feuilles mortes. Son gracieux, papier froissé. Le coteau est baigné de lumière. Solaire et horizontale, elle met en valeur la dimension verticale. Elle éclaire l’arbre. L’ombre des futs trace des parallèles qui ondulent sur le sol. Les quelques feuilles qui s’accrochent encore au houppier semblent d’or revêtues.

Seul.

Impression d’une forme olympique, personne pour me contredire, j’impose mon propre rythme. Sans chronomètre ni autre instrument, juste moi. Je croise les parallèles. Avant de replonger dans l’obscur fond de vallée. Cheminement entre pairies et ruisseaux. Campagne revigorante. Remontée dans l’ombre. Versant nord. Dans les feuilles toujours, plus ou moins tassées par les passages. Plateau. Soleil en face, au ras des collets, jouant à cachecache. Planqué derrière un tronc, incliner la tête suffit pour modifier la parallaxe et recevoir un éclat doré dans l’œil. Le ciel, au-dessus, zébré de silhouettes arborescentes, décoré de quelques cumulus, se pare de couleurs crépusculaires. J’admire. Je m’arrête même pour prendre le temps.

J’écoute de la musique, pour m’abstraire des bruits de la civilisation. Par ici ce sont les petits avions de loisir qui pourrissent l’ambiance sonore. Toussus-le-Noble. Dès qu’il fait beau, c’est l’orgie de décibels ; divertissements anachroniques. Alors, un peu de mélodie superposée entre les deux oreilles pour garder l’impression d’une véritable immersion dans la forêt. Ne pas entendre.

Les arbres dont les silhouettes nues, ramifiées dans une infinie variété ciselée de délicatesse et de finesse, s’alignent et s’élèvent pour se mélanger et se confondre, troncs séparés, houppiers habilement amalgamés, guillochis ajouré se découpant sur le ciel encore clair, me fascinent. La base des nuages s’embrase, ils sont peu nombreux, suffisants pour donner une touche picturale, étagés sur la toile du ciel. Puis, le soleil poursuivant sa descente, les rougeurs se fanent. Un gris métallique crépusculaire prend le relai. Je lui tourne le dos, pensant le rideau tiré, le spectacle terminé.

Avec la brune, les avions se sont calmés. La forêt retrouve la sérénité, le temps d’une nuit. J’arrête la musique pour profiter du silence et de quelques chants d’oiseaux couche-tard ou noctambules.

Longeant le coteau nord, quittant momentanément le chemin des yeux, la lune apparait soudain dans mon champ de vision, disque blanc, brillant, suspendu. Pleine à première vue, gibbeuse au deuxième regard : il manque en effet un très mince croissant sur son flanc gauche. Dans un jour et demi, la rondeur sera parfaite. L’effet de cette presque sphère lumineuse entre les branches est hypnotique. Je m’arrête, encore.

La lumière décline, je n’ai pas pris de frontale, le sol devient sombre. J’avance. La lumière sélène perce difficilement la canopée, elle ne parvient pas à guider mes pas. Je termine quasiment à la nuit, ayant descendu la dernière côte avec quelques précautions.


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